
Les martiniquais doivent-ils être fiers du « patrimoine » issu de la période esclavagiste et la glorifiant au passage? En dehors des polémiques actuelles, il y a plusieurs mois voir années que ce genre de question est abordée sur ce site, notamment lorsqu’un barman lyonnais commettait un « dérapage » au sujet de la colonisation.
L’esclavage est un sujet paradoxalement aussi tabou qu’omniprésent. Mais lorsqu’on a bien pris conscience de cette partie de notre histoire, une question peut se poser: certains éléments de notre culture rendent-ils hommage à nos ancêtres ou à leurs oppresseurs?
Le but de cet article n’est pas de culpabiliser ceux et celles qui sont fiers de leur « patrimoine », mais de questionner sur ce que l’on devrait réellement considérer comme tel.
Culte de la souffrance
Aux Antilles, comme partout ailleurs nous avons des traditions et une culture qui nous sont propres et cela est très respectable. Certaines de nos tradition se sont constitués à partir d’une souffrance (esclavage, acculturation forcée, situation post-esclavagiste, vivre la misère « an tan Wobè/Sorin » etc.).
Tout cela a à la longue formé une culture « créole » se transmettant de génération en génération, propageant avec elle des conditionnement et des croyances parfois limitantes. Bien sur, il s’agit du rôle des traditions en général de ne pas se perdre, de rappeler le passé et de transmettre un héritage, mais parfois il est légitime de se demander si cet héritage nous apporte que du bien.
Pour ne pas rester trop vague voici quelques exemples illustrant certains conditionnements:
- Les plantations et habitations: En l’espace de combien de temps et par quel processus les espaces ou nos ancêtres furent esclavagisés et condamnés au pires tortures sont entrés dans nôtre patrimoine? On en arrive parfois même comme des touristes à « visiter » des habitations, lieux de souffrance…de NOS ancêtres…
- « Le rhum, c’est dans notre ADN! » : Le rhum est un alcool apprécié dans le monde entier donc critiquer la boisson en elle même ne sert à rien mais la symbolique réside dans le fait de lui vouer un culte et en être les principaux ambassadeurs: fermez les yeux et imaginez un de vos ancêtres se voir asséner des coups de fouets dans un champ de canne pour l’élaboration de cette boisson et maintenant observez vous dire « le rhum c’est la vie, team *marque de rhum! ». A force de clichés et de nous marteler que nous avons le rhum dans le sang, on a réussi à nous le faire croire. La culture du rhum va-t-elle de pair avec la commémoration de nos ancêtres et la rend-elle sincère? N’hésitez pas à répondre à cette question et n’oubliez pas que nous ne sommes pas obligés d’avoir le même point de vue sur les choses.
- Certaines croyances que nous avons acquises durant la période esclavagiste sont des croyances limitantes. Elles sont pour certaines issues de l’emprise du christianisme sur les esclavagisés, à qui il fallait inculquer la peur d’exprimer son mécontentement ou encore de s’enrichir (car cela était réservé aux colons).
Si vous avez d’autres exemples, n’hésitez pas à les donner nous somme là pour avancer ensemble.
Pour ceux que cela intéresse, voici une vidéo intéressante qui parle des processus d’élaboration des traditions, en général:
Culte de la gloire
Nos ancêtres étaient grands… on ne les connais pas assez et on ne peux pas s’en vouloir car cela relève du mythe pour nombre d’entre nous tant pratiquement rien ne nous a été transmis à ce niveau. Les nèg marrons qui se sont battus quitte a y laisser leur vie sont morts pour nous et ont souhaité mourir en conservant leur grandeur jusqu’au bout, il convient de ne pas l’oublier: avons nous correctement repris leur flambeau?
Bien avant la période de l’esclavage nos ancêtres étaient grands, non pas particulièrement par la richesse matérielle, mais leur vision du monde était loin du simple instinct primitif de survie: ils avaient leur propre spiritualité basée sur une étude minutieuse des éléments de la nature, leur propres critères de hiérarchisation sociale et tout comme toutes les grandes civilisation ont leurs cultures millénaire, leur médecine traditionnelle et leurs paradigmes. La question n’est pas d’abandonner notre culture actuelle (car objectivement c’est impossible) mais de ne pas oublier, et réhabiliter autant que possible qui nous étions avant que nos conditionnements ne nous empêchent de le faire.
Ce que nous faisons, faisons le pour nos ancêtres qui ont souffert et qui nous observent. Que l’on soit spirituel ou non il s’agit de la symbolique de se demander si nos ancêtres seraient fiers ou auraient tout simplement honte de nous voir célébrer leur souffrance plutôt que de leur rendre hommage.
Fabrice
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