Deux nouvelles étoiles brillent dans le ciel de la Martinique

En ce mois de décembre, « Ti Raoul » Grivalliers -chanteur de bèlè- est décédé à 83 ans. Il en est de même pour le chanteur de dancehall « Ti Blica » mais cette fois à 19 ans et avec tout le bagage nécessaire à une grande carrière, qui avait déjà si bien démarré… A travers cet article, je souhaite partager mon ressenti face à ces deux pertes tragiques. Je le fais uniquement pour exprimer mon humeur et non pour un quelconque buzz, Dieu seul sait à quel point je souhaite rester loin de ça.

En ce qui concerne Ti Raoul, je ne vais pas me la jouer « fervent défenseur du patrimoine martiniquais » sachant que la culture dans laquelle j’ai toujours baigné est majoritairement urbaine, MAIS je dois dire honnêtement que je ressens une peine immense car je SAIS que le pays a perdu une légende, mais je suis rongé par la culpabilité de ne pas m’être intéressé à cette légende avant.

Comme presque tous les jeunes de ma génération, je me suis écarté de la tradition pour adopter le style de vie urbain et la musique qui va avec. J’aime ce mode de vie et la vision du monde que m’apportent ces musiques. Par contre dans le fond je suis conscient de perdre une partie de moi en délaissant la tradition et que la situation est grave en Martinique. Le pire c’est que je m’en suis rendu compte depuis que j’ai appris l’histoire d’ Eugène Mona.

Dans le feu de l’action on se dit toujours « sé lè an moun mô ou ka wè importans li », mais après honnêtement chacun vaque à ses occupations. On se contente de traiter les gens en idole à titre posthume et de répondre « c’était un grand homme » quand on nous demande ce que représentait cette personne.

Tout ce que je connais de Ti raoul, c’est « man fwansiné » parceque le clip passait en boucle sur ATV à l’époque, mais c’est tout!

Je vais aller me documenter sur Ti Raoul et son oeuvre, mais je ne veux plus laisser ça m’arriver et connaître les piliers culturels de mon île, c’est d’ailleurs en partie pour ça que ce blog existe: faciliter l’accès à la culture aux nouvelles générations.

Merci Ti Raoul pour votre oeuvre et PARDON.

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En ce qui concerne Ti Blica… je n’ai pas les mots
Je comptais écrire un article pour évoquer la « success story » de certains groupes undergroud de Martinique dont la Blica family et leur poser quelques questions sur leur parcours. C’est désormais trop tard, mais je tiens tout de même à réagir à la disparition brutale de Ti Blica, « dans le vite-fait » et le cœur arraché.
J’ai connu Ti blica lorsqu’il a sorti les morceau « schoelchè le bon » et « Look Lemon » avec son frère, qui était dans toutes les têtes.

J’étais une sorte de « puriste » attaché au dancehall d’avant, telle que ma génération l’a connu avec les riddim jamaïcains techniques des années 90/2000. Je ne comprenais pas l’engouement des plus jeunes pour ces musiques festives que je ne trouvais pas forcément super. Mais… ce « Look Lemon » que je ne supportais pas au début ne quittais pas ma tête et je me suis mis moi aussi a délirer dessus comme s’il m’avait finalement contaminé.

J’ai bizarrement commencé à suivre Blicassty et ensuite son petit frère, car il y avait le truc qui faisait qu’on avait envie de participer à leur délire et on prenait plaisir à les regarder s’amuser entre frères à faire de la musique sans se prendre forcément au sérieux. Ils étaient hyper productifs, les sons paraissaient enregistrés dans leur chambre à peine mixés mais on arrivait quand même à capter leur délire et la vibe qu’ils essayaient de communiquer.

Bien sûr au début je n’était pas fan, je ne vais pas mentir, mais au travers de leurs sons les plus sérieux et travaillés qui ont suivi ces sept dernières années, j’ai fini par comprendre que ces frères étaient super bien éduqués, et que leur fraternité était leur force. Au fond qu’y a-t-il de plus fiable qu’un frère de sang?

Blicassty, malgré les critiques qu’il y a pu avoir à son encontre, est un jeune très talentueux avec une voix en or, je ne pense même pas qu’il ait pris de cours pour apprendre à la maîtriser. J’ai été touché par certains sons du grand frère, c’est pour ça que je l’évoque. Dans la Blica Family, on a pas peur d’exprimer ses émotions et de toucher à tout (zouk, reggae, musique triste, dancehall « shatta ») sans que cela ne pose problème, et c’est ce que j’apprécie: les artistes entiers.

Une fois que le petit frère a fait son apparition, il a apporté une touche « mimi » à la dancehall, avec sa voix d’enfant, son étonnante maturité et son attitude de « petit qui sais déjà ce qu’il veut » qui faisait qu’on avait envie de le soutenir et l’encourager: on l’a vu grandir et devenir un homme! Que ce soit sa voix qui change ou son physique. Je pense que c’est ce qui nous fend le cœur aujourd’hui à tous, on a TOUS perdu un frère qu’on espérait voir encore grandir et tout rafler comme il l’a toujours fait sans l’aide de radio ou télé. On se serait vanté d’avoir été la depuis ses débuts.

La Blica family a prouvé une chose: seule la détermination paye. La ou certains cherchaient la perfection avec le meilleur mixage, la meilleure instru et le meilleur visuel, Ti Blica se contentait de composer une instru vite-fait et de poser dessus OKLM pour faire un hit, parce que c’est son coté naturel qui plaisait avant tout. Dépi ou ni an fèy pou écri lyrics, an ordinatè pou enrèjistré vwa’w, ayen pa ka empéché’w fèy… Pour moi ces gars la se sont fait seuls en partant littéralement de RIEN, et je pense que le people les a validé parce qu’il a compris ça dans le fond.

Il y avait une symbiose entre la voix de Ti blica et les instru de Dj Digital, quand on entendait l’un on ne pouvais qu’imaginer l’autre avec…Ses sons m’ont beaucoup aidé à supporter la France lorsque j’y avais débarqué…La basse chauffait mon esprit et la voix de Ti blica qui tombait « tek » sur le riddim me faisaient hurler des fois tout seul dans ma voiture, et j’arrivais au boulot avec la joie de vivre malgré le manque de motivation.

La relation de Ti Blica avec son grand frère m’a aussi beaucoup marqué. Je ne sais pas si ce que je dis est juste mais il a été son ange gardien du début à la fin. Il l’a pris sous sous aile, lui a appris les bases, l’a sûrement mis en garde par rapport au monde de la musique ou à l’exposition médiatique et l’accompagnait partout. A l’heure qu’il est j’ai de la peine en pensant à lui et sa mère. Cependant, je veux qu’ils sachent que leur frère/fils a marqué plusieurs génération car quand bien même je l’ai vu grandir, d’autres ont carrément grandi en même temps que lui et encore d’autres le voyaient comme le grand frère modèle.

Il a fait ce que peu arrivent à faire: mettre plusieurs générations d’accord. Aussi jeune qu’il était, il a vraiment inondé la Martinique de la positivité dont elle a tant besoin et pour cela je lui dit MERCI. Je suis choqué de savoir qu’il n’avait que 19 ans tellement ses raisonnements tout au long de sa carrière m’ont déjà fait réfléchir et me dire « awè misyé pa ni tô », moi qui approche de la trentaine…

Quelque chose me dit que Ti blica n’avait pas fini de nous surprendre par sa volonté de conscientiser la population martiniquaise à travers sa musique. Je suis persuadé qu’il projetais un retour aux racines et aux fondamentaux traditionnels dans l’avenir.

MERCI Ti blica, tu étais le petit frère qu’on aurait tous rêvé d’avoir pris sous son aile, je n’arrive pas a t’imaginer triste tellement ton sourire et ta joie de vivre étaient communicatifs.

Bon voyage Loïc et veille sur ton peuple de la ou tu es et protège ta famille.

Fabrice