
Lorsqu’on voit le titre de cet article, on pourrait trouver évident que l’argent entre en compte dans l’émancipation personnelle car comme le dit la réponse souvent donnée à un proverbe connu, « l’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue ». Cependant, la il n’est pas question de bonheur mais d’émancipation d’un peuple de ses chaînes économiques.
Chaînes économique?
En tant que descendant d’humains réduits en esclavage, utiliser ce terme n’est pas un hasard :le but est juste de rappeler qu’à l’origine de notre société, autrement dit à partir de « l’abolition de l’esclavage », ce sont de nouvelles chaînes qui ont entravé la liberté de nos aïeux[1]. Une abolition et une départementalisation plus tard, nous sommes toujours sous domination économique pour plusieurs raisons que seuls des économistes qualifiés pourront expliquer, mais également pour une raison claire qui est la répartition inégale des richesses.
Un article précédent évoquait le fait que de nombreux objets ou produits alimentaires que nous associons à notre « culture » ne nous bénéficient pas, cependant il n’est pas ici question s’interroger sur la « culture créole ». Cet article n’est pas non plus la pour affirmer mais plutôt pour questionner: avons nous des chaînes invisibles et si oui en sommes nous totalement conscients?
Misère et conditionnement
Au vu de notre passé colonial et des épreuves très difficiles qu’ont du traverser certains de nos aînés, consciemment ou inconsciemment des conditionnements ont été transmis de génération en génération par le biais de notre éducation, notre langage et certains de nos mœurs pour la plupart basés sur la morale chrétienne.
L’argent a une connotation négative car directement associée au mal. « Heureux vous les pauvres car le royaume de Dieu est à vous »: c’est le genre de phrases qui ont été rabâchées sous la contrainte à nos ancêtres pour les conforter dans l’idée qu’ils méritaient leur sort alors que les colons s’enrichissaient sans scrupules [2]. Mais pour revenir à une expérience plus personnelle, combien n’ont pas eu de grands parents qui ne parlaient pas du temps de l’Amiral Robert [3] et des conditions difficiles dans lesquels ils vivaient? Ce qui les à forgé et qui a sans doute conditionné des réflexes qu’ils ont transmis à nos parents ainsi de suite.
Avoir été élevé dans la crainte des jours difficile en entendant régulièrement des expressions installant ce conditionnement a peut-être contribué au fait de trouver autant de satisfaction dans la jouissance et favorisé la difficulté à gérer de l’argent sur le long terme.
Activisme et dépenses
La façon de dépenser son argent est également importante si notre but est de soutenir une économie dont les acteurs « nous ressemblent », c’est à dire partagent nos valeurs, et non plus des grands groupes dont les activités ne sont pas transparentes et dont le but n’est que de s’enrichir encore et toujours plus. Par exemple, que savons nous des intentions des riches hommes d’affaires qui s’enrichissent grâce à nos dépenses en alcool, en vêtements ou même en denrées alimentaires? Ce ne sont que des exemples.
L’action de boycotter relève de l’activisme et ne nécessite pas l’usage de la violence. C’est une action discrète qui peut mettre à mal une activité si elle est bien menée et bien sur si le combat est légitime: un article y avait déjà été consacré il y a quelques temps, n’hésitez pas à le consulter.
Ma vision personnelle est qu’il serait bénéfique que nous apprenions ensemble à faire de l’argent et à s’organiser nous pour le dépenser de façon à ce qu’il nous profite à tous. Ce n’est pas forcément évident dans le monde dans lequel nous vivons car la conjoncture économique brise énormément de rêves, mais imaginons que nous constituons chacun une épargne disponible destinée juste à notre communauté. Cette épargne serait immédiatement disponible pour soutenir des appels à projets ou à participer à des cagnottes pour aider nos compatriotes dans le besoin ou ayant un projet qui nous bénéficiera un jour ou l’autre à tous.
La « sobriété heureuse »
Le capitalisme sauvage tel qu’on le connait ne fait que des ravages aussi bien sur l’environnement que sur l’humain et sa dignité: qui aux Antilles pourra en dire le contraire? La consom’action est un concept que j’ai découvert par le biais de la philosophie de Pierre Rabhi bien que cela n’ait rien à voir avec la communauté noire, mais un sujet de préoccupation pour les humains en général. Dans son livre « Vers la sobriété heureuse », l’auteur remet en question sans jugement nos modes de vie consuméristes et suggère d’adopter des modes de vies plus en phase avec le monde qui nous entoure: faire uniquement avec ce que la nature nous offre et non pas lui imposer nos dérives.
Bien sur, toutes ces idées ne sont pas forcément applicables pour nombreux d’entre nous dans le contexte actuel, mais ce ne sont que des pistes. Pour aller plus loin, nous pouvons favoriser les circuits courts en adoptant des modes de vies telles que le locavorisme [4], tendance qui consiste à ne consommer que des aliments n’étant produit à proximité. Il est également possible d’avoir recours à des monnaies alternatives comme le Wouscoin, une cryptomonnaie mise en place par un jeune martiniquais ambitieux qui multiplie les partenariats avec des agriculteurs locaux et d’autres prestataires tels que des DJ’s ou même des coiffeurs [5].
Si vous avez d’autres pistes pour des modes de consommations alternatifs aux Antilles ou ailleus, et une meilleure gestion de l’argent, n’hesitez pas à laisser votre contribution à la réflexion.
Comme dit dans un article précédent, nous ne sommes pas obligé de tous nous aimer ou d’avoir les mêmes opinions qu’elles soient religieuses ou d’autre ordre mais l’essentiel est juste de partager des objectifs communs.
Fabrice
[1] L’indemnité coloniale de 1849, logique de solidarité ou logique coloniale ? [2] [VIDÉO] Discours prononcé par Léopold II, roi des Belges, en 1883, devant les missionnaires se rendant en Afrique [3] An tan Robè, An Tan Sorin (Article du site Antanlontan) [4] [VIDÉO] Soyons tous locavores! | Henry JOSEPH | TEDxPointeaPitre [5] [VIDÉO] Wouscoin pour «échanger de la valeur sur différents territoires» [SMART UP - Outre-mer la 1ère]
Poster un Commentaire